Chapitre 3



Une fumée âcre piqua les yeux de Séraphine. Sa ville natale tombait en ruines. Elle était jeune dans cette vision, il lui manquait sa brillante armure d’argent, mais vous la reconnaissez. Elle est le Paladin.

Elle tenait fébrilement en lambeaux son chat en peluche, ses oreilles avaient été complètement brûlés. Elle errait dans les décombres qui étaient autrefois une rue, dans les ruines qui avaient été autrefois une ville. C’était arrivé lentement mais aussi en un instant. La pleine lune avait brillé cette nuit-là tandis que la Liche* et Laksalis étaient descendus sur la ville.

Tout avait disparu et les quelques rares survivants se promenaient encore, stupéfiés, comme en état de choc.

Quelque chose dans le clair de lune avait retenu l’attention de Séraphine. Elle avança lentement jusqu’à un tas de cendres qui semblait abriter quelque chose, elle en essuya la suie, révélant l'objet qui se trouvait en dessous. Son cœur se déchira lorsqu’elle reconnut le bouclier et l’épée d’argent de son grand-père. Avant le carnage de Laksalis, elle et lui les avaient fièrement suspendus au-dessus de l'âtre de leur maison en guise de symbole de l’honneur et de la justice, symboles qu’il lui avait appris à conserver au plus profond de son cœur. Elle posa son jouet à même le sol et ramassa le matériel. C’était lourd dans ses petites mains, mais elle se jura de les porter pour toujours

Son grand-père lui avait aussi enseigné que la vie était comme un défilé et qu’un jour, tout le monde devait atteindre la fin de sa route. Des larmes d’enfant se mirent à couler sur son visage. Même en sachant qu’il était glorifié aujourd’hui à Upperrealm, elle ne pouvait s’empêcher de le pleurer.

Elle promit au ciel nocturne de tout faire pour qu’il soit fier d’elle. Elle plaça aussi une main sur son cœur et jura qu’elle irait n’importe où et ferait le nécessaire afin d’être sûre que Laskalis soit traité en justice. Séraphine retrouva la Guilde peu de temps après.



Une guerrière s’entrainait dans l’enceinte, balançant sa puissante épée comme s’il s’agissait d’une plume. Vous reconnaissez ce visage grave et cette tresse blonde: Son nom est Elyssa. Elle sortit du terrain d'entraînement et tendit son épée au forgeron afin qu’il la répare. Une petite partie de son manche s'était cassée lors de son dernier voyage au Donjon, causant un déséquilibre et une performance amoindrie. Le forgeron promit de la lui réparer avant le prochain lever du soleil.

Alors qu’elle ouvrait les portes de ses appartements, elle fut accueillie par une étincelante fourrure orange. Cerberus son chat, lui sauta sur l’épaule. Elle sourit, lui grattant tendrement les oreilles tout en sachant que cet accueil chaleureux cachait à la fois un sentiment de soulagement dû à son retour, et un profond désir félin d’accéder à sa ration de croquettes journalière. Elle lui en versa un bol et partie s’assoir ensuite sur sa chaise surdimensionnée préférée, avec vue sur le soleil couchant au-dessus de la colline. Ce n'est pas qu'elle n'aime pas les autres membres de La Guilde, mais pour autant qu’elle s’en souvienne, elle a du mal à faire confiance à qui que ce soit...

Elyssa n’a jamais oublié la trahison que lui avait faite un ancien membre de sa tribu.

Il avait pour nom Oris.

Tant d'années de camaraderie, de secrets partagés, d'espoirs et de rêves. Ils s'étaient promis de quitter leur village mondain, de prendre la route et de se rendre aux quatre coins de Mynerva. Des années de rêve pour une vie de liberté les avaient conduit à cette soirée. Quelques heures seulement allaient s’écouler avant qu’elle ne rencontre Oris à leur lieu habituel, alors qu'elle était partie chercher des rations supplémentaires.

Le soleil était à peine visible au-dessus de l’horizon dès lors qu’Elyssa se laissa tomber sur l'herbe dans leur endroit secret, une clairière dans la forêt juste à la périphérie du village. Elle tapota fièrement son sac à dos à présent rempli de viande, d'oignons et de tomates. Ils pourront se régaler de fines brochettes, celles qui seront leur premier repas en tant que baroudeurs. Les lucioles se posaient doucement sur ses doigts tandis que les étoiles au-dessus d’elle scintillaient, elle pouvait les distinguer même à travers la mince couche de nuages. Elle se sentait si heureuse. Bientôt, cela allait être leur réalité. Personne pour leur dire où aller et quoi faire. Merveilleuse indépendance.

Les heures passaient.

A mesure que le chant du criquet s’intensifiait, l'air devenait plus froid. Elyssa vérifia à nouveau ses provisions pour la cinquième fois, puis se remis à faire les cent pas.

Oris lui avait bien fixé rendez-vous à cet endroit, ce jour et à cette heure-là, pas vrai ? Elle en était sûre. Jamais elle n’aurait pu oublier un détail aussi important. Elle commençait véritablement à paniquer.

Est-ce que quelque chose lui était arrivé?

Elle retourna au village, frappant à la porte de la maison de Oris. Mais pas de réponse. Elle regarda attentivement à travers la fenêtre, espérant apercevoir quelque chose à l’intérieur. Toutes les lampes étaient éteintes, seule l'obscurité semblait la regarder. Elle frissonna légèrement. Il aurait mieux valu qu’elle ait son manteau. Elle rentra chez elle au bas de la route. La porte d'entrée était légèrement entrouverte. Avant qu’elle n’ait eu le temps de réfléchir, son épée était déjà sortie du fourreau, son instinct de guerrière ayant reprit le dessus. Elle poussa la porte avec précaution, prête à affronter d'éventuels bandits. Elyssa constata immédiatement que sa maison avait été saccagée, que ses biens et les trésors qu’elle avait laissés n’étaient plus sur leurs étagères. Au milieu de la pièce se trouvait juste une rose et une note. On pouvait y lire simplement:

“Désolé.
       - O.”

Oris était déjà parti. Et il n'est jamais revenu.

Un miaulement tira Elyssa de ses souvenirs. Cerberus avait donné un coup de patte à son bol, la sollicitant une seconde fois. Ayant fait abstraction du coup frappé à sa porte par Rémi pour aller dîner à la taverne, Elyssa lui sourit tristement.

Le souvenir prend fin.

*N du T: Dans l’univers des jeux fantastiques, la Liche est un sorcier mort se maintenant en état de mort-vivant grâce à ses pouvoirs